Sciences, états (Hâl) et oeuvres sont le fruit de la méditation (Fikr), mais seule la science constitue son rapport particulier. Il va de soi que lorsque la science se dépose dans le coeur, l’état de ce dernier en est transformé et conséquemment les actes qu’effectuent les membres (jawârih). L’oeuvre est donc tributaire de l’état, l’état de la science et celle-ci de la méditation.
La méditation est donc l’origine, la clé de tous les biens. C’est cela qui te dévoile son mérite et sa supériorité sur le rappel (Dhikr – Tadhakkur) parce qu’elle est rappel et davantage. Le rappel par le coeur est meilleur que celui qui procède des membres. Qui plus est, la noblesse de l’acte procède du rappel qu’il recèle. La méditation est donc de l’ensemble des actes le meilleur. Il a été dit :
« C’est la méditation qui transporte l’individu des choses blâmables à celles désirables, du désir et de la cupidité à l’ascétisme et au contentement. »
Il a été dit également:
” C’est la méditation qui engendre visibilité (Muchâhada) et piété. “
C’est pourquoi, le Très-Haut a dit:
{ C’est ainsi que nous l’avons fait descendre un Coran en [langue] arabe, et Nous y avons multiplié les menaces, afin qu’ils deviennent pieux ou qu’il les incite à s’exhorter ? } [ Sourate 20 – Verset 113]
Si tu veux saisir comment la méditation transforme l’état (Hâl), regarde l’exemple de la vie dernière déjà sollicité par nous. Par la méditation, nous savons que la vie dernière est préférable. Si cette connaissance vient à s’ancrer dans les coeurs, ceux-ci aspireront à la vie dernière et au renoncement (Zuhd) au monde immédiat. C’est ce que nous entendons par « état » ; le coeur, avant de s’imprégner de cette connaissance, est dans un état tel qu’il aime le monde d’ici-bas et penche pour lui, se détournant de la vie dernière et n’y portant que peu d’intérêt.
Les degrés de la méditation et la transformation de l’état du coeur :
Cette connaissance change l’état du coeur ainsi que sa volonté et son désir. La transformation de la volonté se répercute sur les oeuvres effectuées par les membres qui rejettent le monde immédiat et se tournent vers la vie dernière. Cinq degrés se présentent:
Le premier : le rappel (Tadhakkur) qui figure la présence dans le coeur des deux connaissances déjà mentionnées.
Le second: la méditation (Tafakkur) qui est la sollicitation de la connaissance recherchée à travers les deux premières.
Le troisième: l’acquisition de la connaissance recherchée et l’illumination du coeur par elle.
Le quatrième: la transformation de l’état du coeur du fait de la lumière de la connaissance.
Le cinquième: l’action des membres est fonction de l’état du coeur.
La lumière de la connaissance:
C’est l’exemple de la pierre que l’on frappe contre le fer: de ce contact, se dégage un feu qui donne de la lumière. Ainsi, l’oeil devient clairvoyant et les membres peuvent se mettre aussitôt à l’oeuvre. Il en est ainsi de l’émergence de la lumière de la connaissance qui procède de la méditation; celle-ci réunit les deux connaissances et les assemble d’une façon propre à en dégager la lumière de la connaissance comme le feu surgit du fer.
Lumière qui change le coeur et le fait pencher vers ce qui lui était jusqu’alors inconnu, de la même façon que la vue saisit, du fait de la lumière du feu, ce qui avant, lui échappait. Par conséquent, les membres se mettent à l’oeuvre pour répondre au nouvel état du coeur comme se lève au travail celui qui, avant le retour de la lumière, était immobilisé.
Les sciences et les états (Hâl) :
Les sciences et les états sont donc le résultat de la méditation. Les premières sont infinies, les seconds considérables. C’est pourquoi si un novice (Murîd) cherche à délimiter les genres et les champs de la méditation, il en sera incapable, parce que les champs de la méditation ainsi que les fruits de celle-ci sont illimités. Nous nous efforçons effectivement de cerner ses champs par rapport aux tâches des sciences religieuses et aux états qui sont les stations (Maqâm) des itinérants.
Cependant une telle entreprise demeure globale, car procéder à leur développement détaillé nécessite l’explication de toutes les sciences. Or l’ensemble des livres, comme leurs commentaires, englobent toutes les sciences, lesquelles sont tirées d’idées spéciales. C’est pourquoi tenons-nous en à ce qui leur est commun pour cerner les champs de la méditation.