Une femme peut-elle conclure son propre mariage ?

Une femme peut-elle conclure son propre mariage ?

La tutelle est un droit légal en vertu duquel le tuteur peut accomplir des actes à la place et sans l’accord de celui qui est sous le régime de la tutelle. Elle se divise en tutelle publique et tutelle privée. Puis, la tutelle privée se subdivise elle-même en tutelle de corps et tutelle de biens. Ce qui nous intéresse ici concerne la tutelle de corps, ou encore la tutelle matrimoniale.

Les conditions auxquelles le tuteur matrimonial doit satisfaire

Le tuteur matrimonial doit être de condition libre, sain d’esprit et pubère. Par conséquent, un homme dont la raison est altérée ou un enfant impubère ne peuvent tenir lieu de tuteurs matrimoniaux, car ils n’ont pas autorité sur leur propre personne. Ils ne sauraient donc avoir autorité sur autrui.

Outre ces trois conditions, le tuteur matrimonial doit aussi être musulman si celui qui est sous le régime de la tutelle l’est aussi, car un non musulman ne saurait avoir autorité sur un musulman.

Dieu (azwadial)  dit :

«…Et jamais Allah ne donnera une voie aux mécréants contre les croyants. »
[ Sourate 4 – Verset 141 ]
 

L’honorabilité du tuteur matrimonial n’est pas de rigueur

Le tuteur matrimonial ne doit pas obligatoirement être honorable, car à supposer qu’il soit dépravé, sa dépravation ne le dépossède pas pour autant de sa capacité à donner autrui en mariage. À moins, bien sûr, que cette dépravation n’aille jusqu’à l’immoralité, auquel cas on ne lui accordera plus crédit et il sera déchu de son droit.

Une femme peut-elle conclure son propre mariage ?

Nombreux sont les docteurs de la loi qui estiment qu’une femme ne peut conclure son propre mariage ni le mariage d’un tiers, et qu’un tel contrat est nul venant d’elle. Ils tirent argument du fait que la tutelle matrimoniale est une condition de validité obligatoire du contrat de mariage, et que celui qui contracte est le tuteur. Ils se fondent aussi sur un certain nombre de preuves scripturaires :
 

« …Mariez les célibataires d’entre vous et les gens de bien parmi vos esclaves, hommes et femmes. »
[ Sourate 24 – Verset 32]

« …Et ne donnez pas d’épouses aux associateurs tant qu’ils n’auront pas la foi…»
[ Sourate 2 – Verset 221 ]

L’Envoyé de Dieu (sallAllahou alayhi wa salam) a dit :

« Pas de mariage sans tuteur matrimonial. »
[ Rapporté par Ahmad, Abû Dawûd, at-Tirmidhî, ainsi qu’In Hibban et al-Hâkim
qui le déclarent sahîh, d’après Abû Mûsâ al-Ash`arî ]

La négation « pas de mariage » doit être comprise comme se rapportant à la validité du mariage. On en déduit qu’ un mariage sans tuteur est nul, ainsi que nous le verrons dans le hadith de Âïsha (Radia Allahu ‘anha) ci-après.

At-Tirmidhî a dit : « La pratique qui prévaut chez les doctes d’entre les Compagnons du Prophète est conforme à la tradition suivante : ” Pas de mariage sans tuteur matrimonial.”

On peut citer entre autres Compagnons qui ont adopté cet avis, ‘Umar Ibn al-Khattâb, ‘Ali Ibn Abî Tâlib, `Abdallah Ibn ‘Abbas, Abû Hurayra, Ibn ‘Umar, Ibn Mas`ûd ou encore Âïsha (Radia Allahu ‘anha) .

Quant aux juristes de la génération qui leur a succédé, on peut citer Sa`îd Ibn al¬Musayyib, al-Hasan al-Basrî, Shurayb, Ibrahim an-Nakha’î, ‘Umar Ibn ‘Abd al¬`Azîz  et d’autres encore. C’est également l’avis adopté par Sufyân ath-Thawrî, al¬Awzâ’î, ‘Abdallah Ibn al-Mubârak, ash-Shâfi’î, Ibn Shibrima, Ahmad, Ishâq, Ibn Hazm, Ibn Abî Laylâ, at-Tabârî ou encore Abû Thawr  (rta). »

Le tuteur doit se munir du consentement de sa pupille avant de la marier

Outre les divergences des docteurs de la loi au sujet de la capacité de la femme à conclure son propre mariage, le tuteur de celle-ci doit obligatoirement la consulter et savoir si elle consent au mariage avant de le contracter.

En effet, le mariage est une union permanente et une association entre mari et femme. L’harmonie du couple ne perdure que si le consentement de cette dernière est pris en compte.

C’est pourquoi le Législateur suprême a défendu aux tuteurs de contraindre leurs pupilles au mariage, qu’elles soient vierges ou non, et Il a rendu le mariage invalide dès lors qu’il a été contracté sans leur consentement. 

C’est aussi la raison pour laquelle elles ont le droit de demander la dissolution du mariage et d’annuler le contrat en tel cas. On en a pour preuve les éléments scripturaires suivants :

1- Ahmad, Muslim, Abû Dâwûd, an-Nasâ’î et Ibn Mâja (rta) rapportent d’après Ibn `Abbâs (Radhiallahu anhu) le hadith suivant :

« Une femme qui a déjà été mariée -thayyib- est plus à même de disposer de sa personne que son tuteur. Quant à celle qui est vierge, on doit lui demander sa permission : son silence en tiendra lieu. »

Il faut comprendre par là que la femme qui a déjà été mariée est plus à même de disposer de sa personne en ce sens que son tuteur ne peut la donner en mariage sans son consentement, non qu’elle peut conclure son propre mariage sans tuteur.

Dans une autre version rapportée par Ahmad, Muslim, Abû Dâwûd et an¬Nasâ’î, (rta) , il est dit : « Quant à la vierge, c’est à son père de lui demander son consentement. », bien entendu avant de la donner en mariage.

2- On rapporte d’après Abû Hurayra que l’ Envoyé de Dieu (sallAllahou alayhi wa salam) a dit :

« La femme qui a déjà été mariée ne peut être donnée en mariage qu’après avoir eu son consentement; la femme vierge ne peut être donnée en mariage qu’après avoir obtenu son autorisation. –Ô Envoyé de Dieu ! Et comment savoir si elle l’autorise ? demandèrent alors les fidèles. –En gardant le silence, répondit le Prophète.»

3- AI-Bukhârî, Abû Dâwûd, an-Nasâ’î, at-Tirmidhî, Ibn Mâja et Ahmad (rta) rapportent que le père de Khansâ’ Bint Khidâm l’a mariée alors qu’elle l’avait déjà été, celle-ci refusa d’accepter le mariage et en fit part au Prophète qui annula l’union.

4- Ahmad, Abû Dâwûd, Ibn Mâja et ad-Dâraqutnî rapportent d’après Ibn `Abbâs (Radhiallahu anhu) qu’une jeune vierge vint trouver l’ Envoyé de Dieu (sallAllahou alayhi wa salam) et lui raconta que son père l’avait mariée sans son consentement , celui-ci lui donna alors le droit de choisir.

5- D’après ‘Abdallâh Ibn Burayda, d’après son père :

« Une jeune fille alla trouver L’Envoyé de Dieu (sallAllahou alayhi wa salam) et lui tint le propos suivant : “Mon père m’a mariée à son neveu afin d’anoblir sa lignée.” Le Prophète lui a donné un droit d’annulation,
celle-ci rétorqua : “J’accepte la décision de mon père “;”je voulais seulement que
les femmes sachent que leurs pères n’ont aucun droit en ce domaine.” »
[ Ibn Mâja rapporte ce hadith au moyen d’une chaîne de garants mentionnés dans le Sahîh.]

L’absence de tuteur matrimonial

Si le tuteur proche qui satisfait aux conditions de la tutelle matrimoniale est présent, le tuteur lointain n’a pas vocation à assumer ce rôle.  Ainsi, par exemple, dans le cas où le père est présent, ni le frère ni l’oncle ni ceux qui viennent hiérarchiquement après eux n’ont vocation à assumer la tutelle matrimoniale. Cependant, si le tuteur le plus proche s’absente durant un délai tel qu’il donne le droit au prétendant (de condition égale à la fiancée) de ne pas attendre sa décision, la tutelle matrimoniale est alors dévolue d’office à celui qui vient après lui dans la hiérarchie, et cela, afin qu’un mariage avantageux n’échappe pas à la promise.

Et il n’appartient pas au tuteur absent de s’opposer à la conclusion du mariage de celui qui lui fait suite à son retour, car par son absence, il était considéré comme inexistant, raison pour laquelle le droit de tutelle a été dévolu à celui qui lui faisait suite. Tel est l’avis des Hanafites sur cette question.

Pour ash-Shâfi’î (rta) , si le tuteur lointain donne sa pupille en mariage malgré la présence du tuteur proche, ledit mariage est nul. Maintenant, si le tuteur proche est absent, ce n’est pas au tuteur qui vient après lui de la marier, mais ce sera au juge de le faire.

Le cas de la femme qui n’a pas de tuteur ou qui ne peut atteindre le juge

Al-Qurtubî (rta) a dit :

« Si une femme se trouve en un lieu où il n’y a ni juge ni tuteur, qu’un ” voisin” la marie et assume ce rôle à leur place. En effet, il faut bien que les gens trouvent qui les marie et le fait est qu’ils font du mieux qu’ils peuvent en tel cas. » [ Voir Al-Jâmi’ li-Ahkâm al-Qur’ân d’al-Qurtubî, t. 3 ; p. 76 ]

C’est pourquoi Malik (rta) a dit de la femme indigente qu’elle pouvait être donnée en mariage par celui qui s’en occupe, car faisant partie des gens qui accèdent difficilement au juge, elle peut légitimement être considérée comme n’ayant pas de juge à sa disposition.

Tout musulman doit donc pouvoir tenir lieu de tuteur pour elle. Quant à ash-Shâfi’î (rta) , il estime que s’il se trouve dans la société une femme qui n’a pas de tuteur et qu’un homme chargé par elle de la représenter la donne en mariage, le mariage est valable, car cet acte relève de l’arbitrage -tahkîm- et l’arbitre peut tenir lieu de juge.

Le droit de tutelle matrimoniale du juge

Le droit de tutelle matrimoniale est dévolu au juge dans les cas suivants :

  • En cas de désaccord entre les tuteurs.
  • En cas d’absence ou d’inexistence de tuteur.

Ainsi, dans le cas où un homme de même condition que la promise se présente et qu’elle consent à se marier avec lui, mais que tous les tuteurs de celle-ci sont en voyage, fut-ce dans un lieu qui est à peu de distance, il appartient alors au juge de conclure lui-même le contrat de mariage entre les deux parties.

À moins bien sûr que le prétendant et la promise consentent à attendre le retour du tuteur absent, car c’est là un droit qui est acquis à cette dernière, même si le délai d’absence du tuteur est long. Des traditions se rapportent bien à ce chapitre, mais elles sont toutes douteuses.   

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